Pourquoi nos adolescents ont-ils de plus en plus de mal à se concentrer ?

J’aime discuter avec mes étudiants de leurs habitudes de travail et après 15 ans, ils arrivent encore à me surprendre.

Certains révisent en regardant une série sur Netflix, convaincus que cela leur donne l’impression de « rentabiliser » leur temps. D’autres gardent leur téléphone posé sur le bureau et alternent entre révisions et réponses aux notifications. Certains sont distraits par le moindre bruit, tandis que d’autres se plaignent de pensées parasites qui monopolisent leur attention (ce qu’ils feront après, ce qu’ils n’ont pas terminé, etc.).

Bref, beaucoup de jeunes aujourd’hui souffrent réellement lorsqu’il s’agit de se mettre au travail ou de maintenir leur concentration.

Or, plus un étudiant met de temps à se concentrer et à se reconcentrer à chaque distraction, plus il allonge inutilement son temps de travail. Ce qui devait prendre 20 minutes finit par en prendre 40… pour un résultat scolaire souvent moyen.

Dans cet article, nous allons comprendre comment fonctionne le cerveau des adolescents, analyser l’impact du multitâche et des distractions numériques sur leur concentration, et enfin explorer des solutions concrètes basées sur les neurosciences.

Bonne lecture.

Comment fonctionne l’attention et la concentration chez les adolescents ?

Un cerveau encore en construction

À l’adolescence, le cerveau est encore en développement. Ce point est essentiel pour comprendre pourquoi les adolescents ne disposent pas encore de toutes les capacités d’autorégulation d’un adulte.

Le cortex préfrontal (encore immature)

Le cortex préfrontal est la zone responsable de :

  • la planification,

  • l’anticipation,

  • l’attention soutenue,

  • la régulation émotionnelle,

  • le contrôle des impulsions.

Cette zone n’est pas mature avant 21 à 25 ans selon les études actuelles.

Cela signifie qu’un adolescent ne peut pas naturellement gérer sa concentration comme un adulte — ce n’est pas un manque de volonté, mais une réalité neurobiologique.

Le système limbique (déjà mature)

À l’inverse, le système limbique, responsable de la gestion des émotions et du circuit de la récompense, est déjà mature.

Ce décalage de maturité entre système limbique et cortex préfrontal explique :

  • une forte réactivité émotionnelle,

  • une difficulté à gérer la frustration,

  • une attirance pour les plaisirs immédiats,

  • une vulnérabilité face au téléphone et aux réseaux sociaux.

Source : iStockphoto - jambojam

Le rythme circadien de l’adolescent : un décalage biologiquement normal

Il est scientifiquement établi que le rythme circadien se décale naturellement à l’adolescence : la mélatonine est sécrétée plus tardivement (vers 22–23h au lieu de 20–21h).

Ainsi, non : un ado n’a pas sommeil à 21h.

Ce décalage, combiné à des réveils très matinaux imposés par l’école, crée :

  • un manque de sommeil chronique,

  • une baisse de l’attention,

  • une diminution des capacités de mémorisation,

  • un risque de troubles de l’humeur.

Le besoin en sommeil reste pourtant de 8 à 10 heures jusqu’à 17 ans.

Conclusion : le manque de concentration des ados n’est ni un caprice ni un manque d’effort. C’est une conséquence directe de leur neurodéveloppement et de leurs habitudes numériques.

Le cerveau des ados est-il fait pour être multitâche ?

Le mythe du multitâche

Le Dr Jean-Philippe Lachaux explique que le cerveau humain ne réalise jamais deux tâches simultanément. Il alterne très rapidement d’une tâche à l’autre : c’est le task switching.

Les travaux de Salvucci et al. (2009) montrent que le multitâche repose entièrement sur la flexibilité cognitive, mais que cette alternance :

  • augmente la charge mentale,

  • est couteux en énergie cérébrale,

  • réduit l’efficacité,

  • augmente le temps d’exécution,

  • peut faire perdre le cheminement de pensées,

  • augmente les erreurs.

C’est ce que confirment les travaux de Sergent, Baillet et Deahenne (2005) en mettant en avant le principe du clignement attentionnel. Ils ajoutent même que les interruptions répétées réduisent la précision dans l’exécution des tâches et augmentent le taux d’erreurs.

Le multitâche numérique : un danger pour la mémorisation

De nombreuses études, dont Demirbilek et Talan (2018), prouvent que le multitâche numérique (messages, réseaux sociaux, navigation web) dégrade :

  • la compréhension,

  • la mémorisation,

  • la capacité de transfert des connaissances.

(Source : www.inspq.qc.ca)

Et Annie Murphy Paul, l’auteur de The Extended Mind (2021), explique même que quand les étudiants réalisent leurs devoirs en menant une autre activité en parallèle, leur apprentissage est beaucoup plus irrégulier et superficiel que s'ils avaient consacré toute leur attention à leur travail. Ils ont alors de grandes difficultés à transférer les apprentissages à de nouveaux contextes.

(Source : https://www.fullerton.edu/learn/interesting-articles/multitasking-while-studying.php)

En conclusion, le multitâche est déjà un mythe pour les adultes sauf quand il s’agit de taches automatiques. Elle l’est d’autant plus à l’adolescence car la capacité à diviser son attention n’est pas encore totalement développée à cet âge.

Vouloir optimiser son temps en menant plusieurs tâches en parallèle est une utopie. Il est recommandé de se concentrer sur une tâche, de réaliser des pauses régulières et ainsi de permettre à notre cerveau de ne pas épuiser trop vite ses réserves d’attention.

Les distractions numériques : un impact bien réel sur le cerveau adolescent

Le rôle de la dopamine et du circuit de la récompense

Un environnement très stimulant (notifications, bruits, écrans, réseaux sociaux, …) met au défi la capacité d’attention et l’ado va devoir faire un choix entre ce qu’il souhaite favoriser et ce qu’il souhaite inhiber.

Or, le cortex préfrontal immature d’un adolescent rend l’inhibition mentale ,la capacité à ignorer une distraction, beaucoup plus difficile.

Les Dr. Bluet‑Pajot et Dr. Karila (2012) ont montré que chaque notification déclenche une libération de dopamine, renforçant un circuit de récompense proche des mécanismes addictifs.

Conséquences :

  • vérifications compulsives,

  • augmentation de la charge mentale,

  • baisse de la précision dans les devoirs,

  • anxiété lors de l’absence du téléphone.

L'effet du smartphone sur les capacités cognitives

Une étude majeure de l’Université du Texas (Ward et al., 2017) montre que la simple présence du téléphone, même éteint, réduit :

  • la capacité cognitive disponible d’environ 30 %,

  • la mémoire de travail,

  • les performances lors de tâches complexes.

Avoir son téléphone « posé sur juste là » oblige le cerveau à une inhibition permanente, très coûteuse cognitivement. Cela explique pourquoi même un téléphone retourné ou en mode avion reste une distraction majeure.

Un impact reconnu sur la santé mentale

Selon Larry Rosen (MIT, 2016), l’attente d’un SMS, d’une réponse à un email ou d’une notification, active les mêmes mécanismes biologiques que le stress : tension physique, anxiété, agitation.

Enfin, l’OMS rappelle que l’usage excessif des écrans est associé à une dégradation de la santé mentale des adolescents.

« Il est évident que les médias sociaux peuvent avoir des conséquences à la fois positives et négatives sur la santé et le bien-être des adolescents » a déclaré Hans Henri P. Kluge (docteur et directeur régional de l’Organisation Mondiale de la Santé pour l'Europe dans un communiqué de presse).

Comment savoir si son ado est "hyperdistrait" ?

Voici quelques signes qui doivent alerter :

  • incapacité à rester plus de 10 minutes concentré,

  • devoirs qui durent des heures pour des résultats moyens,

  • anxiété lorsque le téléphone est hors d’atteinte,

  • illusion de « bien travailler » tout en répondant aux messages.

Ces signes sont le reflet d’une surcharge cognitive et d’une dépendance attentionnelle liée à l’environnement numérique.

Solutions efficaces pour aider un ado à mieux se concentrer

Voici quelques stratégies validées par les neurosciences :

1/ Créer un environnement de travail favorable

  • Téléphone hors de la pièce (solution la plus efficace scientifiquement).

  • Identifier les sources de distraction : bruit, lumière, pensées intrusives.

  • Mettre en place un rituel de mise au travail (toujours au même endroit, même moment, même routine).

  • Ritualiser diminue la procrastination car le cerveau sait à quoi s’attendre.

2/ Fractionner le travail (méthode Pomodoro)

Afin de rendre l’effort moins intense, l’idée est de fractionner les devoirs en mini sessions de 20 min entrecoupées de pauses de 1 à 2 min. Cela reprend le principe de la méthode Pomodoro.

3/ Rendre les devoirs et les révisions plus ludiques et fun

L’ado fonctionne au plaisir et à ce qui fait sens ou qui présente de l’intérêt.

Dans un premier temps, rendre l’apprentissage plus ludique, plus actif et donc moins rébarbatif peut changer le rapport à l’effort. En effet, quand on s’amuse, quand on prend du plaisir, le rapport au temps et la perception de l’effort fourni ne sont pas les mêmes que lorsqu’on est forcé de faire les chose.

Les adolescents apprennent mieux lorsque :

  • ils manipulent,

  • ils créent,

  • ils s’amusent,

  • ils comprennent le sens de ce qu’ils apprennent.

L’IA peut aider en ce sens mais il existe également des méthodes pour apprendre les cours autrement.

Il faut également essayer d’aider son ado à trouver comment chaque cours peut avoir de l’intérêt pour la suite de ses études, pour comprendre telle ou telle notion ensuite ou même pour sa vie future.

Si vous ne savez pas quoi donner comme argument lorsque votre ado vous dit “à quoi ça me sert d’apprendre le théorème de Thalès” voici une réponse de l’IA :

utilité théorème de Thalès
utilité théorème de Thalès 2

4/ Prévoir une récompense après la session de travail

Comme je l’ai expliqué, le cerveau de l’ado est sensible à la récompense immédiate. Associer une séance de travail réussie à une récompense l’aidera à ancrer une habitude plus facilement.

En fonction de ses goûts cela pourra être un instant lecture, 1h de gaming ou de chill sur les réseaux sociaux.

5/ Protéger le sommeil

Autant que possible, essaye d’encourager une bonne hygiène de sommeil.

  • Retirer le téléphone du lit.

  • Créer un rituel du soir.

  • Éviter les écrans 1h avant le coucher.

6/ Mettre en place un contrat numérique

Aider son ado à limiter son temps d’écran est une excellente chose/

Il existe des applications qui peuvent aider :

  • Opal, Flipd ou AppBlock permettent de bloquer une application ou tout le téléphone pendant une durée précise.

  • Forest et Plant permettent de plus responsabiliser l’utilisateur du téléphone.

  • Il existe également une fonction de contrôle parental natif sur iOS et Android avec la possibilité de limité la durée d’utilisation d’application.

De nombreux étudiants y trouvent un vrai soulagement : la technologie peut aussi aider à reprendre le contrôle.

Laurine MEBS

Formatrice en méthodologie

concentration chez les adolescents

Sources :

Salvucci, D. D., Taatgen, N. A., & Borst, J. P. (2009, April). Toward a unified theory of the multitasking continuum: From concurrent performance to task switching, interruption, and resumption. In Proceedings of the SIGCHI conference on human factors in computing systems (pp. 1819-1828).

Sergent, C., Baillet, S., & Dehaene, S. (2005). Timing of the brain events underlying access to consciousness during the attentional blink. Nature neuroscience, 8(10), 1391–1400.

Demirbilek, M. et Talan, T. (2018). The effect of social media multitasking on classroom performance. Active Learning in Higher Education, 19(2), 117‑129.

Jean-Philippe Lachaux, unité 1028 Inserm/CNRS/Université Claude Bernard/Université Jean Monnet, Centre de recherche en neurosciences de Lyon, équipe DYCOG, Lyon

Adrian F. Ward, Kristen Duke, Ayelet Gneezy, and Maarten W. Bos (2017). Brain Drain: The Mere Presence of One’s Own Smartphone Reduces Available Cognitive Capacity.

Dr. Marie‑Thérèse Bluet‑Pajot, Dr. Laurent Karila, « Quand mon cerveau devient accro », Livret Neurodon, 2012.

Larry Rosen : The Distracted Mind (Le cerveau distrait, MIT Press, 2016)

Laurine

Multicasquette, j'ai été directrice d'école supérieure privée, formatrice, coach, ingénieure de formation ou encore digital learning manager.

Je suis curieuse et j'adore apprendre de nouvelles connaissances au travers de rencontres, de discussions, de lectures ou de formations.

Mon objectif : Vous transmettre les bonnes méthodes de travail et vous permettre de prendre confiance en vous.

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